Un écrivain public est un amoureux des mots.
"Palimpseste" en est un que j'aime particulièrement.
Définition
Le mot vient du grec palímpsêstos, "gratté de nouveau".
Un palimpseste est un manuscrit sur un parchemin déjà utilisé, dont on a effacé le texte pour écrire à nouveau dessus.
Cette technique est née par souci d'économie : au Moyen Âge, le parchemin coûtait cher, et les copistes (ancêtres de l'écrivain public) devaient réutiliser les anciens manuscrits pour y inscrire de nouveaux textes.
Beaucoup de textes effacés ont été perdus, mais le manuscrit garde toujours une trace de ce qui a été écrit, et les techniques modernes permettent aujourd'hui de le faire réapparaître.
Écrire, réécrire
J'ai découvert ce mot pendant mes études, au sujet de Marguerite DURAS.
J'ai eu la chance de suivre les cours de Bernard ALAZET, grand spécialiste de l'écrivain, qui compare l'écriture durassienne à un palimpseste.
En effet, elle n'a cessé de gratter, d'effacer ses propres écrits. Détruire ses livres pour les reconstruire, réécrire, épurer toujours, mais sans jamais faire disparaître complètement les premières couches.
De l'écriture à la peinture
Les écrivains ne sont pas les seuls à effacer pour créer à nouveau.
Certains peintres en ont fait leur spécialité : un trait au couteau détruit la première couche, et remet au premier plan ce qui était recouvert.
D'autres artistes travaillent sur la superposition d'affiches. On peut le voir tous les jours sur les murs : une affiche recouvre l'autre, mais elle finit toujours par être grattée, déchirée, et les traces des plus anciennes remontent à la surface.
La mémoire, notre palimpseste à tous
Nous vivons tous ce processus d'effacement, d'oubli, de reconstruction. Notre mémoire est un palimpseste, et nous sommes tous copistes :
"Qu'est-ce que le cerveau humain, sinon un palimpseste immense et naturel ? Mon cerveau est un palimpseste et le vôtre aussi, lecteur. Des couches innombrables d'idées, d'images, de sentiments sont tombées successivement sur votre cerveau, aussi doucement que la lumière. Il a semblé que chacune ensevelissait la précédente. Mais aucune en réalité n'a péri.”
Charles BAUDELAIRE, extrait d'Un mangeur d’opium (Les Paradis Artificiels - 1860)